L’art de « fer » du vélo

« Au départ c’était plus du bricolage. Je ne pensais pas pouvoir attirer le regard des autres !… »

Il y aura bientôt un an, la nuit tombée, les enfants du quartier Saint Michel à Saint Avé, pouvaient apercevoir au fond d’une impasse, sous les grands pins d’un jardin, un Père Noël se déplacer en pédalant sur un vélo, accompagné de son chien et entouré de lutins. A chaque déplacement impulsé par un astucieux et grinçant mécanisme, une cloche retentissait. Une indéniable poésie se dégageait de cet automate. A faire rêver les petits et les grands… Cliquez sur la photo ci-dessous pour lancer la vidéo.

Photo automate

Le maître d’oeuvre de cette féérie c’est Lucien JALU.Cyclo au club de Saint Avé, il ne fait pas que rêver les enfants une fois par an. Passionné de vélo depuis toujours, électrotechnicien de formation et sensible aux choses de la vie, la retraite a révélé et lui a permis de développer son âme d’artiste et de créateur. « La Gazette » lui a rendu visite.

C’est dans un hangar de planches, au fond d’un grand jardin qu’il a reçu son hôte.

Un établi trône à l’entrée. Une grande panoplie d’outils, chalumeau oxyacétylénique, cintreuse, marteaux, pinces, scies à métaux et un amas de pièces de vélo jonchent sa table de travail entourée de seaux, bidons et caisses emplis de dentures de roues libres, de chaînes, de tiges de selles, de potences, de jantes, de guidons et autres accessoires.

Une première impression de bric à brac, qui s’estompe très rapidement en levant le regard vers le fond de l’atelier. Lucien y présente ses oeuvres. L’harmonie, la musique, la poésie, prennent le relais de ce capharnaüm.

Comment fait-il pour transformer ainsi de vulgaires pièces de vélo en guitare électrique, en authentique bigoudène, en sympathique moustachu, en petit oiseau ou en majestueux faisan ? Ecoutons-le :

Lucien JALU

« Je n’utilise que des pièces de vélo, pourquoi ? Je ne sais plus. Je voyais des figures à travers certaines pièces. En regardant un pédalier au bout d’un moment on commence à voir des yeux ! ».

Ainsi, il part d’une réalité bien banale : des pièces de vélo mais sait les assembler pour les transformer en objet d’art. Ses sculptures sont le fruit d’une rencontre hasardeuse de pièces de métal avec son imagination et ses émotions.

Par de heureux agencements il en fait des personnages, des animaux, des objets, des tableaux.

Ils peuvent être le fruit du hasard comme des oiseaux, ou alors la transcendance d’un rêve inachevé comme une partition de musique, ou un guitariste qu’il a rêvé d’être et qu’il ne fût que très peu.

Les vis du pédalier prennent vie quand entourées de cheveux et affublées d’un long nez, elles s’animent, deviennent des yeux et finissent par former le visage d’un sympathique personnage au corps de manchot et au regard malicieux.

Des roulettes de dérailleurs et des bouts de jantes, sont des yeux d’un bleu acier, cernés de larges sourcils qui révèlent un immense visage. La naissance de sa petite fille portée par sa fille, inspirera deux des créations de ce Papy touché par la magie de la maternité.

Son art n’est pas encore totalement abouti, mais on en perçoit d’ores et déjà les évolutions. Les premières créations, figuratives et bien structurées, deviennent, dans un second temps, plus élaborées, avant de pencher vers l’abstrait où la recherche esthétique se façonne dans la pureté des traits et des formes.

trois oeuvres
Trois créations de Lucien JALU, élancées, légères et expressives – 2014 –


« Déjà avec l’automate j’ai senti que c’était pas que du bricolage ». Hé oui : on se rapproche de l’art !

« J’ai été agréablement surpris que l’on puisse s’intéresser à ce que je fais. Au départ c’était plus du bricolage. Je ne pensais pas pouvoir attirer le regard des autres… c’est motivant pour continuer ! « .
« J’ai été aussi étonné que des gens veuillent les acheter, j’ai même été invité à exposer à Concarneau, à Quiberon, à Lizio l’an prochain »
. Alors il va continuer à travailler son art. Il va continuer, toujours avec des pièces de vélo.

Pourtant Lucien ne se considère pas comme un artiste. Il estime n’être qu’un « bricoleur ».

Pour autant, un jour, un copain motard va le convaincre d’exposer ses « bricoles » à l’occasion de la Fête des vieux métiers et des arts de Baud. « Ce n’était pas trop loin, j’ai fini par oser. exposer ! »

« J’ai fait du vélo et je m’occupe de vélo ! ».

la Bigouden
La Bigouden

Il a fait des courses pendant quinze ans, surtout de la piste. Il cumule une trentaine de podiums et un titre de Vice-Champion de Bretagne de vitesse. Aujourd’hui il est toujours dans le milieu, puisqu’il assure la sécurité des courses locales avec sa moto et cela sous l’égide de l’ABEC (Association Bretonne d’Encadrement des Courses).

Il trouve dans le vélo ses sources d’inspiration.

Et pour cause, le vélo est aussi un sport mécanique et la mécanique, c’est un peu son premier métier. Passé par l’école Michelin, il y a travaillé cinq ans avant de se réorienter et de commencer des études en sciences humaines en s’engageant dans une formation d’infirmier, métier qu’il exercera à l’hôpital de Saint Avé jusqu’à sa retraite, il y a six ans. Il étudiera également la sophrologie, qu’il pratique encore aujourd’hui.

La retraite lui permettra de consacrer plus de temps à ses créations, mais il a commencé il y a une dizaine d’année.

« J’ai commencé par des décos extérieures pour les fêtes de Noël, après avoir récupéré un lot de jantes. J’ai réalisé : pont lumineux, chemin de lumière… et des décors isolés toujours à partir de ces jantes où je mélangeais les formes (objets et jantes), je leurs donnais des effets avec des lumières…Et je prenais de plus en plus de plaisir à réaliser, à fabriquer ces combinaisons. J’aimais aussi donner du mouvement à ces réalisations, mouvements provoqués par le vent. Toutes ces réalisations sont défaites après les fêtes ».

L’élément déclencheur a été sa rencontre avec un artiste et cela à travers ses oeuvres.

« Voyant ce que je faisais, mes enfants m’ont invité à découvrir « Le cyclope » de Jean TINGUELY, à Milly la Forêt (91) et son musée à Bâle (Suisse) et ce sont ces deux rencontres avec cet artiste, qui dans sa démesure, dans sa folie créatrice… m’ont émerveillé, fasciné et donné cette envie de faire ».

L’oeuvre de Jean TINGUELY (1925-1991) ne peut se séparer de celle de Niki de SAINT PHALLE, sa compagne. Plasticien Suisse, il a créé des oeuvres monumentales et animées, construites avec des matériaux de récupération. Il s’inscrit dans le courant du « Nouveau Réalisme », correspondant à la version Française du « Pop’art » américain.

Petit oiseau
Oisillon

Cet artiste et ses oeuvres vont inciter Lucien à réaliser un premier automate, « Le Père Noël à vélo » et par la suite à façonner ses sculptures. Il n’est donc pas étonnant qu’il souhaite aujourd’hui, faire évoluer ses « bricolages » en y introduisant du mouvement pour en faire des objets animés, à l’image de son Maître. Il a quelques idées en la matière et a déjà récupéré des moteurs électriques pour cela.

Le mouvement est bien une composante du vélo et de « L’art de fer du vélo ».

Tout ce qui touche au vélo, de près ou de loin intéresse « La Gazette », alors elle ne manquera pas de vous informer du cheminement de ce copain de club dans son parcours artistique.

Avant cela, les adhérents des « Cyclos de Saint Avé » auront eu le loisir d’admirer certaines de ses créations à l’occasion de l’Assemblée Générale du 21 novembre prochain, salle Jean Le Gac.

Lucien nous a promis de nous montrer ses « bricoles ».

Propos recueillis par Jean Yves LE PERSON, pour « La Gazette ».

Pour en savoir plus sur les oeuvres de Jean TINGUELY et Niki de SAINT PHALLE, les « Bonnie and Clyde » de l’art (vidéo, durée 55 minutes).

Laissez un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.