Surcompensation & Récupération

L’essentielle récupération !

Première publication dans  « La Gazette » le 10 août 2014…

Le « Campionissimo » Fausto COPPI a selon Pierre Chany, (1) « révolutionné le cyclisme par l’étendue de ses recherches dans le domaine de l’entraînement et de la diététique ». « En matière d’entraînement il rompt avec l’habitude des longues sorties (8 heures de selle à 25 km/h) et préfère des séances à un rythme de compétition ».(2)
Très tôt Fausto COPPI comprit l’essentiel de l’entraînement et de la préparation physique, ce qui amènera le 1er coureur cycliste à avoir réalisé le doublé, Tour de France-Tour d’Italie, à déclarer que :  » Les grands tours se gagnent au lit ! ».
Il avait compris que peu importe les efforts fournis, l’essentiel est dans « la récupération ».
Alors en cette période vacances où les actifs sont en pleine « récupération » et les retraités toujours actifs, « La Gazette » s’est penchée sur la question.

On sait que l’amélioration des performances sportives se fait par l’adaptation de l’organisme aux charges de travail, développées lors des entraînements. En réaction à ces formes de stress successifs, l’organisme développe un processus complexe de reconstitution qui va le ramener à un niveau de performance supérieur à son niveau initial.
Ce processus s’appelle : la surcompensation. Le processus de surcompensation permet de mieux comprendre ce qui constitue l’essentiel de l’entraînement. Le schéma ci-dessous en présente le principe. (Vous aurez remarqué à son maillot, qu’il s’agit bien d’un cyclo-sportif de Saint Avé.)

Schéma de principe de la surcompensation

Nous n’aborderons pas dans cet article le détail des phénomènes neuromusculaires et énergétiques très complexes mis en jeu. Ceux qui seraient intéressés pourront approfondir le sujet à l’aide de la bibliographie indiquée. Pour notre part, nous nous limiterons à une approche schématique.
La flèche verticale rouge indique le niveau de performance, la flèche horizontale bleue, le temps.

Phase 1

Tout entraînement consiste à imposer à son organisme une charge de travail. Cette charge va elle-même générer une fatigue. C’est la phase 1 du schéma. Cette fatigue sera plus ou moins importante en fonction principalement de deux éléments : la nature et l’intensité de l’effort ainsi que sa durée.
On constate qu’à la fin de la phase 1, la fatigue est à son maximum alors que le potentiel de performance est en conséquence au plus bas.

Phase 2

Au cours de la phase 2 l’organisme entre en période de récupération. Au fil du temps et au fur et à mesure de la récupération le potentiel de performance s’améliore et cela jusqu’à atteindre en fin de phase le niveau de départ. (Niveau de performance de base). Cependant, la nature est si bien faite que la reconstitution de la performance ne va pas s’arrêter là, mais va aller au-delà de son point de départ et continuer à s’améliorer durant un certain temps.

Phase 3

C’est la phase dite de surcompensation. Elle va marquer un pic dans le premier tiers de la phase, puis diminuera avec le temps de manière ondulatoire, pour finir si l’on ne fait rien par redescendre au dessous du niveau de performance du départ.

Phase 4

L’amélioration de la performance acquise dans le premier tiers de la phase 3 continuera au fil du temps à s’étioler. Tous les acquis seront ainsi perdus et l’on finira même dans la phase 4, par être moins performant qu’au départ. Comment éviter cela ? Les cyclos-sportifs de Saint Avé le savent bien, il faut aller rouler, mais comment et surtout à quel moment rouler ?

Quand rouler ?

En théorie la solution est simple. Il suffit d’engager une nouvelle séance d’entraînement au moment « t », où le potentiel de performance dû à la surcompensation est à son maximum.

Programmer les entraînements au moment de la surcompensation maximale

On peut ainsi voir sur ce schéma que pour une nouvelle charge de travail identique, l’on parviendra au bout d’un certain temps à une nouvelle surcompensation maximale qui viendra s’ajouter à celle précédemment acquise. On aura donc une accumulation des surcompensations. La ligne verte représente cet effet cumulatif.
On aura compris que pour que l’entraînement soit efficace, il ne doit être programmé qu’à l’issue de la phase de récupération. On parlera alors de « récupération complète ».

La pratique plus difficile que la théorie !

Dans la pratique, de multiples facteurs influent sur la durée de la récupération, notamment l’âge, la condition physique, l’alimentation… Toute la difficulté va consister à évaluer d’une part, quelles doivent être l’intensité et la durée de la charge de travail pour pouvoir surcompenser et d’autre part et surtout, de savoir pour plus d’efficacité, à quel moment l’organisme est à son maximum de surcompensation.
Pour estimer ce moment soi-même ou avec l’aide d’entraîneurs, on peut s’appuyer sur des données objectives, comme le rythme cardiaque ou la pression artérielle, ou encore le test de Ruffier à faire soi-même. On peut également prendre en compte des données plus subjectives propres aux sensations et aux comportements. A cela, viendra s’ajouter l’expérience, c’est à force d’essais/erreurs et en tenant le plus grand compte des particularités de chaque individu que l’on peut améliorer l’efficacité de l’entraînement.
On ne peut donc pas préciser, dans le présent article, quelle est la durée des phases 2 et 3, tant les variables sont multiples. Une indication toutefois, un cyclo-sportif bien entrainé doit s’il veut progresser sortir au minimum 2 à 3 fois par semaine, ce qui veut dire que les périodes de récupération varient de 48 à 72 heures.
Cette fréquence ne met pas ce cyclo à l’abri de ce que l’on appelle un « surentraînement ». De quoi s’agit-il ?

Le surentraînement

Dans une approche toujours schématique et théorique on peut illustrer le surentraînement par la figure ci-dessous.

Les entraînements sont programmés avant récupération complète, le surentraînement guette

Courageux et décidé, notre ami cyclo-sportif de Saint Avé enchaîne des entraînements sans compter, mais surtout sans attendre la récupération totale et la surcompensation. A chaque sortie, cumulant de la fatigue, il baisse son potentiel de performance. Son organisme va se saturer de fatigue, il est temps pour lui d’envisager un repos. Nous verrons plus loin que cela n’est pas forcément une mauvaise chose, tout dépendra de son objectif et du temps qui le sépare de cet objectif.
L’état de surentraînement est difficile à cerner et surtout à percevoir dans ses sensations. Frédéric GRAPPE le décrit ainsi : « ce dernier apparaît lorsque la sensation de fatigue devient persistante et chronique et est liée à des baisses significatives de la performance et de l’envie de s’entraîner malgré un repos et une alimentation correcte » (4). En l’absence de résultats beaucoup sont souvent tentés de rouler encore plus, si cela est dû au surentrainement, la situation ne fera qu’empirer.

Le plan d’entraînement

On perçoit mieux l’importance de bien définir et de bien planifier ses entraînements. L’élaboration d’un plan bien construit constitue une aide précieuse.
Le plan d’entraînement devra très précisément déterminer, la nature, la fréquence, l’intensité et le volume des charges successives. Mais de cela, nous aurons peut-être l’occasion d’en reparler dans un autre article. Pour aujourd’hui, retenons que le plan de charge peut se bâtir après récupération complète décrit dans la figure N° 2 ou alors après récupération incomplète comme décrit dans le schéma ci-contre. (Figure N°4)


C’est un cas de figure très fréquent. On engage une série de sorties programmées avant récupération complète, il y a donc un cumul de fatigue comme décrit dans le schéma N°3, mais avant d’engager une nouvelle série, on intercale une période de récupération complète, qui finit par provoquer ce que LP Mateiej (5) a appelé la « supercompensation ». Cette méthode expose fortement le cyclo-sportif à un risque de surentraînement, il faudra donc être particulièrement attentif à ses sensations.

Retenons trois éléments structurant d’un plan d’entraînement.
1-) Il doit viser un objectif.
C’est un repère indispensable. L’objectif doit être à la fois ambitieux et réaliste, c’est ainsi un véritable gage de motivation.
2-) Il s’organise en cycles.
Le cycle est souvent de 4 à 6 semaines. La charge de travail de ces cycles doit être précise, continue et progressive. La période de charge doit être suivie d’une période de récupération active. Les charges sont alors plus légères et plus centrer sur la technique.
3-) Il doit accorder autant d’attention à la récupération qu’à la charge de travail.
C’est l’objet de cet article : la récupération fait partie intégrante de l’entraînement.

En guise de conclusion

Dans cette approche schématique, mais rationnelle de la performance se pose la question de la quantification de la charge de travail,(quel type d’effort, quelle intensité, quelle durée etc…) et de l’évaluation de son corollaire la fatigue. Comment mesurer cela ?
Aujourd’hui il semble y avoir deux écoles :
Celle des instruments de mesure. On s’appuie alors sur des cardiofréquencemètres et sur des capteurs de puissance. C’est celle de l’équipe « Sky » par exemple.
La seconde, celle de la sensation et de la perception de l’effort. Elle a l’avantage d’être applicable par le plus grand nombre et incite à être à l’écoute de son corps. C’est celle développée par Frédéric Grappe à « La Française des Jeux ».
Mais de cela, « La Gazette » en reparlera peut être un autre jour.
JY.LP
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(1) – Pierre CHANY : « La fabuleuse histoire du cyclisme : des origines à 1955 » Ed. Nathan 1988.
(2) – Jean Paul OLLIVIER : « Gino le pieux » Ed. PAC 1983.
(3) – Dr. Patrick MALLET : « Cyclisme Moderne – Entrainement – Principes – Méthodes – Surveillance Médicale » Ed. Amphora 2011.
(4) – Frédéric GRAPPE : « Cyclisme et optimisation de la performance » Ed. Deboeck – 2 ème édition 2012.
(5) – LP MATVEIEJ : « Aspects fondamentaux de l’entraînement » Ed. Vigot 1984.
(6) – Jean François MAYER : « Cyclisme, entraînement, pédagogie ». Ed Vigot 1989.

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